Quand on regarde la définition dans le dictionnaire, « porter un masque, c’est jouer un personnage » mais en Afrique, cela n’a rien à voir avec du folklore ou du théâtre... Il s’agit bien de la matérialisation d’un objet de culte. C’est la représentation physique d’un Dieu, d’un ancêtre, d’un revenant, soit plus globalement une entité surnaturelle.
"Le masque est avant tout le code moral personnifié. Il est l'agent permanent chargé de sauvegarder les lois coutumières non écrites et veiller à leur stricte application, de même qu'à la régularité de leur transmission de génération en génération." B.Holas
« Pour ma part, les masques doivent marquer la nécessité d'être toujours alerte, vigilant, il ne faut jamais le prendre pour une chose évidente à moins d'avoir été surpris par sa danse, c'est la politique du regard objectif... qui peut regarder ou non un masque, ou, en quels endroits, les règles peuvent-elles être modifiées malgré la tradition qui l'oblige intrinsèquement... Selon l'identité, le caractère du spectateur, celui qui voit le masque donnera un sens différent et cette position de fait peut-elle exister? Avec le temps qui passe, la relation au masque change t'elle au fur et à mesure ou sa force engendrée par le sculpteur doit-elle être uniforme et unilatérale ? Peut-on démasquer dans sa valeur usuelle le masque ?... » (Cf Richard Pierron)
Le masque est porté par une personne anonyme. La personnalité du porteur de masque importe peu car il représente avant tout un personnage mystique. Tout le pouvoir se concentre dans le masque, la partie la plus importante du costume.
Le masque, quelque soit sa fonction, est pensé, sculpté pour est le réceptacle d’un seul dieu. Dans beaucoup de culture, les coiffes des masques qui dansent, servent de rempart aux autres esprits.
Le masque est un objet concret de la présence divine face à la foule. Etre en face d’un masque en mouvement impressionne, marque les gens immédiatement et de manière forte. Lors de la sortie des masques, les gens sont prêts à faire plusieurs dizaine de kilomètres pour voir ces dieux.
La magie d’un masque passe d’abord entre les mains du sculpteur qui insuffle la forme de l’objet. Cet homme (comme c’est souvent le cas) peut être un féticheur, un devin, un forgeron etc. Ils suivent un rite précis pour choisir tel bois sacré, avec tel outil, à telle période de l’année. C’est ensuite que des prières, des incantations, les libations donnent concrètement toute la force vitale à l’objet de culte. Tous ces actes magiques vont permettre au danseur de vibrer en harmonie avec l’esprit qui habite le masque. Ce rituel transmis avec beaucoup de discrétion aux générations suivantes.
« Il y a l'Esprit, la Matière...L'esprit donné par le sculpteur et la cérémonie rituelle qui insuffle le Génie qui l'habite, il est par la matière aussi dans le visage sculpté dans les traits totalement incarné en ce sang qui coule dans des lignes pensées par le sculpteur entouré du maître des rituels et de cérémonie! La matière, reste aussi le support, celui du danseur, du porteur de ce masque dans lequel il s'imprègne de sa force, un mariage extraordinaire de l'esprit et du concret qui enserre son visage ! Pour ma part, un masque qui ne danse pas n'est "pas un masque" !! » (Cf Richard Pierron)
Il faut savoir aussi que dans la plupart des ethnies, le porteur du masque et le gardien sont deux personnes différentes.
L’élévation spirituelle du masque passe aussi par la musique répétitive des percussions. Elle donne une dimension forte au masque. Il n’aurait pas au tant d’impact sur les esprits sans ce rythme, le cœur qui palpite et qui s’accélère. Pour certain la transe n’est pas loin. L’atmosphère pesante du masque se traduit aussi par la danse qui harangue la foule. Les porteurs de masque sont souvent de véritables athlètes et effectuent des danses impressionnantes avec des costumes parfois très lourds. Un exemple la danse des Egun du Benin, le costume de revenant pèse jusque 80kg !
Il existe aussi le masque miniature que l’on nomme « Masque passeport » : Il y a celui que l’on montre et celui qui est caché.
Les masques passeport jouent plusieurs rôles. D’abord il sert de model pour les sculpteurs féticheurs qui en tirent l’inspiration et l’interprètent selon leurs envies.
Cette miniature permet aussi lors de rites initiatiques de bases pour raconter les histoires du clan, une manière de faire perdurer la tradition orale.
Hormis la langue, le masque passeport est le signe d’appartenance à un groupe social. On le trouve par exemple sous la forme de pendentif, facile à transporter lors des voyages lointain.
Ensuite, il y a le masque miniature, le plus important, celui des rites secrets car il sert de droit d’accès aux lieux sacrés. Il donne ainsi la possibilité de rejoindre par exemple une réunion des anciens pour résoudre un problème délicat. Ce masque permet surtout de garantir l’anonymat du porteur qui ne peut pas décliner son identité à un gardien. Logique vue qu’il s’agit d’une organisation secrète !! Le masque miniature évite de faire entrer un étranger malveillant. Le simple fait de montrer un masque et de ne pas parler, évite également être trahis par la voie.
En République de Côte d’ivoire, il arrive qu’un porteur de masque s’invite et pour entrer dans le cercle d’initiés, il est accompagné d’une aide qui présente à sa place le masque secret.
Les porteurs de masque miniature ne pourront jamais admettre qu’ils possèdent ces objets car avouer avoir un tel objet c’est dire qu’ils appartiennent au culte secret et menacer leurs identités. Ils ne peuvent pas rompre le secret de l’organisation… Ces masques sont conservés de la même manière, dans le secret.
Le silence est aussi une forme d’hommage rendu au masque car il est, tout comme le masque qui danse, la représentation matérielle d’une présence surnaturelle. On ne parle pas devant un dieu. Dans le même sens, la chorégraphie complexe du porteur du masque est une sorte de prière envers dieu.
Il existe des légendes comme « Koulaï dans la fôrêt ». Dans la légende « le songe de Troyaï », dont le héros reçoit à la fin de son éducation, un masque miniature des mains de Dieu. Voila une origine de son attachement au divin.
Il existe des masques qui sont destinés pour la case. Certains sont purement décoratifs, d’autres religieux. Ces derniers sont fixés directement dans l’habitation lors de sa construction. Donc ce masque est livré aux intempéries.
Ils sont placés dans la discrétion de la nuit par une association spécialisée. Le secret est encore une fois de mise et cela renforce le mystère du culte.
Ce masque a pour but d’attirer la bienveillance de l’esprit non seulement sur la case mais aussi sur celles des autres qui l’entourent. Le sacré entre dans un lieu profane et à la vue de tous.
Lors de maladie grave comme la variole, on accroche egalement des masques pastillés pour annoncer un malade. Un signe d’avertissement à ne pas négliger et redoubler de vigilance !!
Ainsi « Le masque est Esprit, Matière, au-delà de la dimension inerte qu'on lui donne parfois dans sa place trouvée dans un musée... » (Cf Richard Pierron)
Je remercie chaleureusement La galerie Pierron Primitive Arts de nice pour toute l’attention pour ce billet. Pierronprimitivearts@live.fr
Photo 1 : Masque de danse de réjouissance du Cabinda. 43 cm sans la coiffe et toile de portage
Photo 2 : Masque Wé-Guéré... 47 cm et Masque de famille Guéré... 9 cm
Photo 3 : Un rare exemplaire de masque Dogon de case de 33 cm, Famille de Féticheurs transmis de génération en génération.
A suivr